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Une coopérative pour dire le travail

Cet article est paru dans le n° de février de la revue L’Âge de faire. Nous le reproduisons ici avec leur aimable autorisation, en en profitant pour recommander vivement la lecture régulière de ce journal, et même l’abonnement dont il a bien besoin pour vivre.


Grâce à des ateliers d’écriture et la publication d’une revue, les fondateurs d’une coopérative d’écriture et d’édition proposent de faire reconnaitre les savoirs liés à chaque métier.

Quel point commun entre une infirmière, un plombier, un marin-pêcheur ou une bibliothécaire ? « Ils ont tous beaucoup à raconter sur leur métier », estime Patrice Bride, l’un des fondateurs de la coopérative DireLeTravail, basée à Paris. Ancien rédacteur en chef des Cahiers pédagogiques, il a eu l’occasion d’aider les enseignants à décrire ce qui se passait vraiment dans leur classe. Il a ainsi acquis la conviction que dans l’Éducation nationale, mais aussi les hôpitaux, l’ensemble des services publics et les entreprises, « les choses se font parce que les gens se débrouillent vaille que vaille pour que ça tourne. On confond souvent, aujourd’hui, l’emploi (ce qui est demandé aux gens) et ce qu’ils font réellement pour que ça aboutisse. Le travail ne se résume pas à un ensemble de procédures de consignes. On y met toujours du sien. Il y a beaucoup d’humain dedans, même si certaines structures ont une volonté de contrôle complet de ce que font les gens. »

Pourquoi passer par l’écriture pour « dire le travail » ? « Souvent, à l’oral, on commence par se plaindre des difficultés, de ce qu’on n’arrive pas à faire, remarque Patrice Bride. C’est frappant de voir comment, quand ils passent à l’écrit, les gens réalisent à quel point ils arrivent à faire des choses. Cela leur permet de se réassurer. C’est une forme de reconnaissance de soi, d’émancipation, qui pourra ensuite leur servir dans le cadre du travail. »

Les fondateurs de la coopérative ont également la volonté d’utiliser l’outil numérique pour démocratiser l’accès à l’écriture, et faire en sorte que les travailleurs eux-mêmes puissent raconter leur métier sans passer par le regard de chercheurs ou de journalistes. Ils défendent une « vision assez large du travail », incluant la recherche d’emploi et le bénévolat. Des ateliers d’écriture ont déjà été lancés, et des textes sont en préparation pour lancer une publication. « Nous aimerions que les auteurs/lecteurs puissent passer une position à l’autre de façon régulière », précise Patrice Bride. La coopérative, qui compte 45 sociétaires, espère financer en partie ses activités grâce à la formation professionnelle.

Lisa Giachino