Marion est directrice de crèche, en disponibilité dans le cadre d’une reprise d’études, et maman d’une petite fille. Le confinement la place en plein dilemme entre l’écriture de son mémoire de Master et la fin de son stage dans le milieu de la formation.
Le premier mois de confinement a été assez éprouvant pour tout le monde. Hormis peut-être pour le chat qui est ravi de pouvoir me squatter dès que ma fille n’est plus sur mes jambes et qui quémande des câlins toute la journée. Il a fallu se transformer et changer de casquettes plusieurs fois dans la journée : celles de maman, de maitresse d’école (désolée, papa et maman, anciens instits, mais je sais définitivement pourquoi je ne voulais pas devenir enseignante !), d’étudiante, de formatrice, de stagiaire dans le milieu de la formation professionnelle, de conjointe, de cuisinière, de femme de ménage. Et bizarrement je n’arrive pas à prendre celle d’éducatrice de ma fille… étrange !
Bref, ce confinement n’est pas de tout repos. Ne plus sortir, OK, mais, mais comment rester chez soi pour travailler ses cours et en même temps faire la classe à sa fille ? Lui expliquer dans un premier temps pourquoi nous ne pouvons plus aller au parc jouer avec les copains avec ce temps radieux ; lui expliquer que papa et maman ont aussi besoin de temps pour travailler et que, non, ce ne sont pas des vacances, même si nous sommes tous à la maison 24 h/24… Bon d’accord, elle est en moyenne section de maternelle et la maitresse nous envoie chaque semaine un mail de récap pour proposer un planning d’activités à lui faire faire, et à cet âge, elle a le temps de faire ses activités. Mais la maitresse aurait-elle oublié que nous, les parents de cette chère bambine, avons aussi du travail à effectuer, en mode télétravail ? Ce qui signifie passer deux fois plus de temps sur l’ordinateur ou sur son téléphone afin de rester en contact avec mes collègues de promotion, mes enseignants, mon lieu de stage par les réunions, les conférences, les rendus de cours, les mails. Et je dois aussi donner des nouvelles à la maitresse, comme le rappelle le courrier de l’inspecteur de l’Éducation nationale du Rhône envoyé par la directrice de l’école début avril.
Après quelques tensions les premières semaines, entre crise de larmes, colère des uns et des autres, confinement dans la chambre (quel bel endroit…), régression dans la propreté de l’enfant (faire quatre à cinq machines par jour n’est plus possible au bout d’un moment…), menaces et chantage avec les dessins animés, et avant que nos nerfs craquent, nous tentons, en parents « bienveillants » (je ne sais pas si ce mot a vraiment du sens…) de proposer un planning de la maison à la miss. Quand il y a un point rouge devant la case de maman, cela veut dire qu’elle n’est pas disponible, et inversement. Le tout avec des temps d’activités et de jeux, atelier peinture, cuisine, lecture, écoute d’histoires… Bah oui il faut bien trouver un peu d’amusement. Cela semble lui convenir et à moi aussi dans un premier temps, car monsieur, même s’il a des modalités de télétravail déjà mises en place avant le confinement, semble oublier parfois qu’il faut aussi s’occuper de son enfant (oui oui, elle doit apprendre l’alphabet, reconnaitre les chiffres et les formes et faire du graphisme), prévoir le temps de préparer le repas en temps et en heure et non au temps T où l’enfant crie famine, faire le ménage de l’appartement et prévoir de faire des courses… Des quoi ? Un vrai bonheur ces courses en ligne ! Nous tentons plusieurs sites en ligne entre drive et livraison… De quoi devenir dingue ! Le tout entre deux calls.
Je me prévois aussi un planning personnel dans ma tête (on en parle de la charge mentale dans ce confinement !), pour ne pas trainer au lit le matin, être prête (avoir déjeuné, être habillée et ordi allumé avec la tasse de café pour 9 h), et ainsi garder un rythme dans la journée qui soit cohérent pour tout le monde, entre lever et coucher. Je me rends compte que j’ai besoin que cela ait du sens dans mes journées, que ça stabilise les rapports de tous. La semaine, c’est boulot, et le weekend, on relâche. J’en profite pour continuer mes travaux de couture que j’avais laissés en plan. La louloute est plus « sereine », même si elle réclame pas mal de câlins. Elle accepte mieux de faire ses activités avec son père, sa gym avec moi, d’aller se reposer après le repas. Bref, nous commençons à trouver notre rythme de croisière. Ce qui ne s’est pas fait sans mal dans cette ambiance anxiogène. Car en plus de prévoir du temps, il faut trouver un espace, et mon bureau, enfin ce qui me sert de bureau n’est pas l’endroit le plus adapté. Donc je m’isole dans la cuisine, musique douce dans les oreilles pour me concentrer, pendant qu’homme et enfant sont dans le salon entre classe à la maison et réunions sur Zoom.
Avec tout ça, mon stage dans un organisme de formation ayant été interrompu à cause du confinement, je continue de travailler à distance sur le cours que je devais écrire ainsi que sur les supports pour le formateur et les stagiaires. Des allers-retours sont faits via les réseaux sociaux afin de rester en contact avec l’équipe du lieu de stage et avec ma directrice. J’envoie des mails pour les supports, demande les missions que je dois ou peux faire, questionne sur mes recherches pour mon mémoire. J’avais prévu dans un premier temps de collecter mes données avec la méthode du récit de vie. Mais pour rencontrer les gens de visu, cela va être un peu plus compliqué que prévu. Le travail d’écriture de ce mémoire est « légèrement » malmené et remis en cause. Je dois trouver une autre solution pour prendre contact avec les personnes souhaitées. Travail en cours… J’avais un peu repris le travail d’écriture depuis le début du confinement. Mais comme les enseignants de l’université ont modifié leurs modalités de cours (en mode e-learning, plateforme de cours, visioconférence avec Zoom…), il faut aussi inclure des rendus à faire à la place des présentations orales.
Ce travail d’écriture, entre frustration et prise de recul, se fait au compte gouttes dans un premier temps. Une de nos enseignants nous propose des temps d’écriture et de réécriture sur notre travail de mémoire dans le cadre de pratiques rédactionnelles. Cela m’oblige à me recentrer et à mieux planifier mon travail à rendre pour l’université, enfin du moins essayer. Et aussi à me questionner sur l’aspect réflexif de ce travail à distance et sur l’état dans lequel je suis. Notre responsable de master nous envoie des mails afin de faire le point sur notre situation de travail, de stage et de confinement. C’est qu’il s’inquiète pour ses étudiants. Les modalités de soutenance sont décalées, de toute façon ça me semblait difficile au jour d’aujourd’hui de prévoir une date sure à fixer début juillet. Allons-y pour une date sur fin aout. Oh joie pour cet été !
Après cet état de stress, ces coups de mou, ces frustrations, ces inquiétudes, je me suis résolue à me motiver pour lire et écrire ce fichu mémoire…. Et réconforter aussi les collègues de la promo, les amies qui craquent, prendre des nouvelles de la famille, de Mamie qui va avoir 91 ans le 12 mai à la fin de cette période de confinement (enfin si M. le Président n’en décide pas autrement)… Mamie qui semble être l’une des personnes qui relativise le plus. Comme quoi, écoutons nos ainés. Et l’on pourra dire que nous avons vécu le confinement de 2020 ! Je relativise et essaye de prendre plus de recul, de penser à ma vie de famille aussi. De trouver le sens que je cherchais au début, en me disant que cela ne durerait pas. Finalement, il est toujours question d’adaptation, quelle que soit la situation.
Marion, en mode Captain Marvel
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