Émilien Roso est maire d’Allemans-du-Dropt, village de 501 habitants dans le Lot-et-Garonne. Ce texte est la suite d’un premier récit sur les débuts du confinement dans sa commune.
10 avril 2020
Comme ma compagne avait des symptômes du covid-19, j’ai dû interrompre mes permanences à la mairie. Je suis confiné à domicile, d’où je continue à travailler pour la commune. Grâce au groupe Facebook créé au début du confinement, je garde le contact avec les habitants et nous venons de lancer une opération de confection de masques. La mairie a acheté le tissu et les élastiques. Nous venons de les recevoir et allons les distribuer dans la journée avec le patron à tous les couturiers et couturières amateurs de la commune qui le souhaitent. Ensuite, nous allons les récupérer et les distribuer à toute la population du village. Je perçois un réel engouement pour ce projet. Notre population comporte beaucoup d’étrangers, Anglais, Américains, souvent retraités, qui résident à l’année et qui s’engagent dans cette opération. La commune a toujours été dynamique, elle possède de nombreuses associations et organise beaucoup d’animations, donc cet engagement ne m’étonne pas. Pourtant, je vois aussi de nouvelles personnes peu investies d’habitude et qui veulent participer aujourd’hui. J’ai même dû modérer l’enthousiasme de certains habitants qui voulaient commencer immédiatement sans prendre le temps de vérifier que nous avions bien le patron homologué par l’Afnor. Il faut quand même que les masques soient efficaces !
De nombreuses communes autour de nous suivent la même démarche et l’entraide entre maires est particulièrement importante en ce moment. Nous partageons nos initiatives sur notre groupe whatsApp. Par exemple nous avons identifié ensemble les entreprises auxquelles s’adresser pour fournir le tissu des masques. La solidarité entre maires m’avait frappé au moment de mon élection, j’en vois aujourd’hui une application concrète dans ce cadre-là. Notre opération répond à un besoin sanitaire puisque le port de masque est à présent recommandé et c’est une façon de préparer le déconfinement. Mais surtout, j’ai le sentiment de susciter une solidarité locale. Nous ne sommes pas tous couturiers, moi le premier, je serais incapable de coudre un masque. Mais je peux, avec d’autres, m’occuper de la logistique et de la distribution.
J’ai également contacté mon confrère, maire du village du Haut-Rhin avec lequel nous sommes jumelés. Beaucoup de communes du sud-ouest sont jumelées avec des communes d’Alsace, depuis que, au moment de la déclaration de guerre en 1939, les communes d’Alsace ont été déplacées dans le sud-ouest par l’État français. Nous gardons le souvenir de la solidarité de cette époque et j’essaye de conserver cet esprit en prenant des nouvelles de ce qui se passe là-bas. Je ne sais pas encore si cela se traduira par des initiatives concrètes par la suite. Je continue aussi de traiter les aléas habituels. Hier, quelqu’un a percé accidentellement une canalisation d’eau. Nous sommes bien organisés pour les interventions d’urgence. C’est un peu plus compliqué pour ce qui est structurel. J’ai aussi vérifié que les commerces avaient bien accès aux aides de l’État. Nous allons réfléchir dans les prochaines semaines à une stratégie de relance à condition d’avoir plus de visibilité par rapport aux conditions du déconfinement. En fait, j’interviens au mieux en fonction des informations dont je dispose et je tiens la barre.
Émilien Roso, maire d’Allemans-du-Dropt (Lot-et-Garonne)
Propos recueillis et mis en récit par Nathalie Bineau