Vendredi 1er mai
La nuit a été un peu plus longue que ces derniers temps : je regagne mon second lit vers 5 h et je constate que le soleil se lève vraiment tôt désormais. Après avoir retravaillé le texte d’Aurélien, j’ai la bonne surprise de recevoir une première carte me souhaitant un joli 1er mai. Presque toute la journée, je serai la destinataire épanouie de photos et de messages, accompagnés d’un brin ou d’un bouquet de muguet. Y compris de la part de deux de mes clients : Marie-Anne et Philippe.
En descendant prendre mon petit-déjeuner, une mauvaise surprise m’attend dans la cuisine. Le réfrigérateur, en mode dégivrage depuis mardi après-midi, contenait des kilos de glace et l’eau a coulé, dépassant les capacités d’absorption de la serpillère. Alors j’éponge…
Après ce bain de pied forcé, je me remets au lit pour relire plusieurs des textes qui vont échouer dans le livre sur la souffrance au travail. Pour certains, il ne s’agit plus que de ciseler quelques mots. Pour d’autres, il reste encore un peu de boulot. Mais tous ont gardé intacte la puissance émotionnelle et réflexive du premier jour où ils ont été formulés, même partiellement, même maladroitement. J’en ai suffisamment pour commencer à les disposer dans ce qui pourra ressembler au manuscrit.
Chemin faisant, il me vient une idée : si chacune des autrices m’envoyait une photo, cela permettrait d’obtenir un visuel proche des épreuves définitives. J’envoie un mail à chacune d’entre elles. Lucie, comme souvent, est la plus réactive : elle envoie des caricatures de son métier d’infirmière. Anne-Marie va plus loin : elle dessine un poulpe en noir et blanc dans le style BD. Plutôt réussi. Il représente les neuf cerveaux qu’elle aurait aimé avoir pour faire face aux soixante-dix incidents qu’elle avait à résoudre sur sa hotline, les derniers mois où elle travaillait encore, avant son burn-out. Un peu plus tard, Laurence suggère qu’Anne-Marie réalise un dessin pour chacun de nos récits.
Brillante idée ! J’ai justement revisité mon propre texte ce matin. Trouvé un nouveau titre, plus pertinent que le précédent pour soutenir le champ lexical que j’ai choisi. Je fais des recherches pour donner du grain à moudre à Anne-Marie. Ou plutôt de l’encre à faire baver sur le papier… Je déniche au passage une image qui pourrait être idéale pour la première de couverture.
Au hasard de mes pérégrinations virtuelles, je découvre un site qui fabrique des sortes de toiles dont l’image principale, celle dont on veut par exemple décorer son salon, est composée de plusieurs dizaines voire centaines d’images issues de son album. En s’approchant tout près du tableau, on peut donc y regarder les photos de sa vie, larges de seulement 2 cm, qui se répètent autant de fois que nécessaire.
J’ai également le temps de m’amuser à fabriquer une image mosaïque sur un site gratuit avec l’une de nos photos de groupe pour simuler ce que nous pourrions faire figurer sur la quatrième de couverture. Tout cela ne demeurant que des suggestions en direction de la coopérative Dire Le Travail, qui nous accompagne dans ce projet, et qui garde la main.
Me souvenant que Soazic avait proposé une citation à inscrire en exergue du livre, et moi-même venant d’en trouver une pour mon récit, je propose aux autrices d’en chercher une pour leur propre texte. Anne-Marie fait visiblement preuve de réactions d’enthousiasme à ces multiples avancées qui nous confortent dans le prochain aboutissement de notre projet d’écriture : le soir même, elle a déjà soumis son premier dessin (en-dehors du sien) à Lucie, elle-même presque aussi prompte à lui faire part de ses attentes ; le lendemain matin, elle me dira avoir déjà trouvé plusieurs citations dont elle n’a plus qu’à opérer la sélection ; elle me dépasse une fois de plus, demandant à l’ensemble du groupe de lui adresser un portrait, probablement pour réaliser elle-même le fameux caléidoscope…
Corinne Le Bars, écrivain public et biographe
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