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faire & refaire
refaire & faire tenir
dans l’invisible creux de soi
la brute promesse du proche futur
ce qui n’est pas
est déjà dit
contourne sa forme
& se devine
dans l’immanquable devenir
pour un temps
le temps s’arrête
phalanges fossiles
ces doigts réfléchissent sans y penser
emmaillotés entre l’aube maritime
& la nuit des forêts
les mains travaillent
un blanc si blanc
un blanc si cru
& si impur
au fond duquel la vie se tord
se serre & se respire
l’œuvre dans sa chaste vérité
fuit d’un regard qui ne sait rien d’avance
nul amour ne se déclare
le cœur est pris ailleurs
la peau des ongles disparait
parmi les plis
ils parlent peu
ils disent tout
ils disent long sur la matière
toujours secrète
jamais occulte
de la forme qui s’occupe à révéler
sa propre naissance chemin faisant
* * *
d’où vient-elle
quel est le nom de l’unique créature
tantôt cerveau
tantôt poumon
enrobée
enrubannée
à faire le tour de la planète
comme on boucle une tresse
ou l’espiègle bretelle d’un petit tablier
à courir le fond des magasins
à perdre haleine dans une prise de fou rire
au chat perché
ou sous la conquête du premier baiser
que voit cette enfant derrière les ballots
quel monde lui confie son ordre du jour
il faut toucher pour reconnaitre
palper
se tromper
faire & défaire
pour voir qui est vrai
le vrai arrive de l’autre côté
du côté obscur du miroir
émerge la plus tendre des confidences
elle croit
elle crée
son univers
* * *
on aimerait y habiter
sous l’écorce du corail
dans l’étanche labyrinthe
où les yeux s’égarent à chaque tournant
maintenu d’une armature
d’une force métallique qui monte la garde
qui grince les dents quand elle pénètre
& tient le vide en espalier
serait-on plus durables
une fois tutorés
les os en éventail d’épingles
le sourire ouvert
& ferme la face qui reste cachée
libre d’écouter la paix
d’épouser tous les jours un brin d’esprit
sans se faire croquer par le chien du voisin
* * *
dans l’antre de son atelier
elle est assise sans en démordre
le temps que prend la création
la regarder c’est ralentir
se rappeler que le silence existe
quand elle coupe le fil
elle coupe le souffle
par le charme d’un détour
détour magique qui réanime
l’envie éternelle de se parfaire
Anna Pietsch
décembre 2014