Dire le travail en temps de confinement

Gérer les collaborateurs à distance

Guillaume est responsable ressources humaines dans une entreprise d’une cinquantaine de salariés qui installe et assure la maintenance de matériel médical dans les hôpitaux.

Comme nos techniciens de maintenance interviennent en milieu hospitalier, nous avons été rapidement alertés sur les dangers qu’ils encouraient. Nous avons adapté nos procédures pour limiter les risques, et vérifié que nos clients mettaient en place des moyens de protection nécessaire. Nous les avons même informés que nos collaborateurs étaient en droit de faire jouer leur droit de retrait s’ils estimaient que le danger était trop important, et que nous les soutiendrions dans leur choix. Au moindre doute, nous avons pris des mesures de « quatorzaine » pour le technicien concerné comme les collègues de son bureau. L’objectif est vraiment de préserver nos collaborateurs, et aussi leurs familles. Je sais que certains ont des parents qui sont des populations à risque, il fallait donc éviter qu’ils ramènent le Covid-19 chez eux. Au final, ça fonctionne. En mode dégradé, mais ça fonctionne. On ne va pas se plaindre vu l’ampleur et la soudaineté de ces mesures de confinement.

Au niveau de l’entreprise, j’ai participé à la mise en place d’un groupe Covid-19, avec le responsable technique et le responsable commercial, pour prendre des décisions collégiales. Chaque manager fait des projets journaliers avec son équipe, et nous fait remonter les informations. J’ai aussi des réunions avec les partenaires sociaux, pour gérer ce qu’on a à gérer. Au niveau mondial, puisque l’entreprise fait partie d’un groupe américain, un comité de suivi a été mis en place, et nous lui remontons des données tous les jours. Sur le plan pratique, nous avons pris la précaution de commander du gel hydroalcoolique et des gants. In extrémis ! Trois heures après avoir passé la commande, les plateformes de grossistes étaient en rupture. Nous avons pu fournir à chacun deux litres de gel et une boite de gants. Par contre, les stocks de masques étaient déjà épuisés.

À présent, tous les collaborateurs travaillent à la maison : le service marketing, le service financier, les techniciens hotline. Il n’y en a qu’un qui vient au bureau, parce que la connexion Internet professionnelle est meilleure. Le télétravail, comme les dépannages à distance, est déjà une habitude pour beaucoup. L’entreprise fait ce qu’il faut pour que les gens travaillent dans de bonnes conditions. Tous les collaborateurs disposent d’un ordinateur, qui est remplacé tous les deux ans. Quand la modalité de télétravail est prévue au contrat, le salarié bénéficie d’un budget pour l’installation d’un espace de travail à son domicile, par exemple pour acheter un bureau, un fauteuil, un écran supplémentaire si besoin, et il y a également une prime de télétravail.

Mais le confinement nous a fait franchir un pas supplémentaire. À présent, je passe mon temps à faire des réunions et des mails. Je saute d’une réunion à l’autre. Pendant celle qui est en cours, je finalise la réunion d’avant, je prépare celle d’après. Par mail, c’est toujours difficile de savoir si la personne comprend ou non. On fait des mails pour tout, pour garder des traces, c’est très chronophage. C’est plus rapide de gérer les problèmes face à face, et puis dans tous les moments informels. Au bureau, il y a beaucoup de choses qui se règlent à la machine à café, ou dans les couloirs, ou en allant voir directement les personnes concernées. Là, tout doit être calé, avec des emplois du temps minutés pour chaque question. On bricole parfois, par exemple pour la signature des documents, des notes de service. C’est pragmatique, on trouve toujours des solutions, on s’adapte. On essaye même des cafés, des moments de pause en visioconférence !

Autre changement majeur : la présence de la famille au domicile… qu’il faut gérer ! Au niveau RH monde, nous avons mis au point un guide pratique avec des recommandations pour gérer au mieux les enfants, la famille, des animaux, et puis les problèmes d’approvisionnement, les courses. Nous sommes un peu obligés par exemple d’avoir plus de souplesse pour les emplois du temps. D’ailleurs, les collaborateurs en sont ravis. Ils gèrent leur emploi du temps comme ils veulent, tout en gardant une charge de travail raisonnable. À part les astreintes des réunions, ils peuvent vaquer à leurs occupations personnelles, faire une machine ou passer un coup d’aspirateur, ce qu’ils ne faisaient pas auparavant.

Du côté de nos clients, nous faisons au mieux en assistance téléphonique et en maintenance à distance, pour réserver les interventions en présence aux cas les plus délicats à gérer. Nous avons reporté toutes les opérations de maintenance préventive pour réduire l’exposition des techniciens.

Nous nous adaptons, et je pense que nous faisons au mieux avec une réponse de crise, dans l’urgence. À présent, nous réfléchissons aux possibilités de pérenniser ce qui convient le mieux à tous dans ces nouveaux modes de fonctionnement en télétravail. Ce sont des sujets majeurs pour l’avenir. En ce moment, j’ai le sentiment d’assister à la fin d’un monde, et au début d’un nouveau.

Guillaume, responsable RH
Propos recueillis et mis en forme par Patrice Bride

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