Lundi 27 avril
Couchée vers 22 h 15, réveillée avant minuit, au travail jusqu’à 5 h 02 (la fermeture d’un document en atteste), deux heures de sommeil au petit matin. Ma nuit a été occupée par la mise aux normes du manuscrit de Philippe s’il décide de faire publier son récit par les éditions L’Harmattan. Je n’aurais pas dû : il m’appelle vers 11 h pour me dire qu’il n’est pas intéressé. Il a pris connaissance d’un article du Monde très critique quant aux procédés de cet éditeur. Je l’ai lu également cette nuit. Et puis j’ai publié quatre livres dans cette maison. Donc je connais la « solitude de l’écrivain au moment du prêt-à-clicher »… Ainsi, Philippe préfère retenir la proposition d’Edilivre. Un coup pour rien ! Mais ça m’a permis de me familiariser de nouveau avec les marges, pieds de pages et folios…
Je prends tout mon temps après le petit-déjeuner. J’ai déjà fait les deux tiers d’une journée de travail. Un voisin s’autorise à passer à la maison pour emprunter une tronçonneuse. Nous lui offrons un café. Échangeons autour de nos potentiels travaux. Lui montrons les plans. Nous le revoyons d’ailleurs une heure plus tard et prenons même un verre en sa compagnie. Oui je sais, c’est encore interdit. Mais on en crève. Ce n’est pas une excuse, mais on s’est aperçu ces derniers temps dans nos conversations avec notre entourage que les petites transgressions étaient devenues légion.
La veille, nous avons fêté les 40 ans de mon gendre en visio, écran partagé en sept. Quelques jours plus tôt, ses frères et ses parents s’étaient enflammés, nourrissant le projet de se retrouver en présentiel en dépit de l’interdiction. Les discussions ont inévitablement porté sur le déconfinement : quid de la rentrée des classes ? Quid des vacances d’été ? Les beaux-parents de ma fille ne pourront pas ramener leur caravane à l’endroit habituel (ils ont un côté Claude Brasseur dans Camping) en raison de la promiscuité liée au partage des sanitaires. Se résoudront peut-être à louer un mobile-home pour la première fois de leur vie.
Cet après-midi, je prends le volant de ma voiture pour me rendre à la capitale… du Calvados ! Constate que je me sens vivante. Je pars déposer mon dossier FADEL dans la boite aux lettres de Normandie Livre et Lecture en raison des délais très allongés de la distribution du courrier. Décidément, la journée tourne au travail inutile : mes documents sont trop épais pour passer dans la fente… Je me rendrai donc à la Poste demain matin. Me procurerai l’emballage ad hoc. En effet, la malchance persévère : je saute sur le dernier paquet d’enveloppes-bulles que je trouve dans le troisième supermarché que je visite, mais elles sont trop étroites elles aussi.
J’en profite pour rendre service au voisin du matin : son cerisier a perdu ses fleurs et pointe ses embryons de fruits vers le ciel. Il craint les volées d’étourneaux qu’il a l’habitude de chasser chaque printemps. Personne à risque en raison de son âge et de plusieurs opérations subies dans les derniers mois, il ne peut pas se rendre dans une grande surface de bricolage pour y acheter un filet. Je m’y rends donc à sa place. Constate une excellente organisation de l’établissement : un salarié, positionné quelques mètres avant l’entrée du magasin, accueille les consommateurs et leur explique la mise en œuvre du déconfinement en marche. Il m’informe que je ne pourrai pas faire appel à un conseiller. Que je devrai impérativement régler les produits en carte bancaire.
Quelques mètres derrière lui, juste avant l’entrée, un agent de sécurité me demande de prendre un caddie, quelle que soit la dimension de l’article recherché : cela permet aux personnels du magasin de comptabiliser le nombre de clients présents en même temps à l’intérieur. À la caisse, l’hôtesse me demande de ne pas déposer mes achats sur le tapis roulant. Elle quitte son siège pour scanner les articles directement dans le caddie. Enfin, la sortie habituelle est condamnée, ce qui évite à l’enseigne de mobiliser un second agent de sécurité. Je sors donc par l’entrée, mais sans risque, car deux couloirs distincts sont matérialisés.
Dans la journée, je reçois un mail de Patrice, de Dire Le Travail : il me remercie pour ma « contribution, particulièrement consistante », salue les deux derniers récits envoyés, m’encourage à poursuivre. Partant, je contacte deux couples de la famille de mon gendre. Son frère ainé me répond immédiatement et nous prenons rendez-vous pour le lendemain soir.
Les affaires reprennent…
Corinne Le Bars, écrivain public et biographe
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