Mathieu est responsable administratif et financier dans un organisme de formation de neuf personnes, qui accompagne les professionnels des médias dans la prise en main d’outils numériques, du point de vue technique comme rédactionnel. Récit rédigé à partir d’un entretien réalisé le 26 mars 2020.
Dans l’entreprise, je m’occupe de toute la partie qui n’est pas directement pédagogique : les devis, les conventions, le planning des salles de formation, les feuilles d’émargement, la gestion des factures, des règlements, des salaires, et puis de toutes les exigences règlementaires de la formation professionnelle. J’assure souvent le premier contact avec les stagiaires, pour identifier leurs besoins, préciser leur demande. Je m’ennuie rarement. J’aime bien le rythme frénétique des mails qui se succèdent, qui obligent à passer d’un sujet à un autre. Et c’est le premier truc que je trouve pénible en ce moment : la quantité de messages s’est beaucoup réduite… On va dire que ça me laisse du temps pour travailler sur des dossiers de longue haleine, régler ceux qui trainaient, pour des suivis ou des bilans.
Dans l’équipe, nous ne sommes d’habitude pas très portés sur la réunionite. Je gère beaucoup de choses directement avec le dirigeant, ou en contact avec les formateurs. C’est rare que nous soyons tous ensemble. Mais là, depuis le début du confinement, nous nous sommes institutionnalisé un rendez-vous tous les matins à 9 h 30. On prend des nouvelles de tout le monde. On fait le point sur les bouleversements des plannings, on essaie de réfléchir au redémarrage de l’activité. Parce que bien sûr, toutes les formations en présence ont été suspendues. Même dans notre champ, le numérique, l’essentiel des formations se faisait en présence des stagiaires, pour des manipulations de matériel, pour être ensemble devant un écran. Avec le directeur, nous avons fait toutes sortes d’estimation par rapport à notre trésorerie, aux annonces du gouvernement sur les reports de cotisation, des soutiens financiers possibles. Nous avons calculé que, en l’état, nous arrivions à sec au mois d’aout. En utilisant tous les leviers qui ont été proposés, comme pour le chômage technique, on peut tenir jusqu’à la fin de l’année. En espérant que ça redémarre d’ici là.
C’est la grande inconnue : est-ce que, pour nos clients, en tout cas ceux qui s’en remettront, la formation sera toujours prioritaire dans les mois à venir ? C’est de tout cela que nous discutons en équipe. C’est difficile de se confronter à ces réalités, mais il ne faut pas se voiler la face. Autant se mettre, non pas autour d’une table, mais devant l’écran pour réfléchir à ce qu’on peut faire, ce qu’on peut vendre en étant coincé à la maison. Nous avions déjà réfléchi à des formations à distance, mais ce n’était qu’entre nous, sans demande particulière des clients. En plus des formations, nous faisons un peu de conseil et de production pour des podcasts ou de vidéos : ça pourrait être développé pour compenser l’impossibilité pour les entreprises de prévoir des évènementiels. Il y aurait aussi quelque chose à faire sur le télétravail. Beaucoup de personnes semblent penser que c’est juste allumer l’ordinateur chez soi plutôt qu’au bureau, alors que ça implique un changement d’organisation, et donc des réflexions considérables en amont. Mais là, c’est tellement brusque que les gens essaient juste de s’en sortir au mieux.
Sur la plateforme numérique que nous utilisons pour le travail de l’équipe, nous avions déjà un fil « machine à café » pour bavarder de tout ce qui n’est pas directement le boulot. Là, on a ajouté un « confinement », où on se lâche beaucoup plus que d’habitude. On s’envoie des bêtises qu’on voit passer sur Internet, ça aide à décompresser. Moi le travail à la maison me convient assez bien dans la mesure où je suis assez casanier, et nous avons une solution de garde pour notre fils. Mais toute la situation est quand même inconfortable, et je vois que des collègues commencent à en avoir vraiment marre.
Mathieu, responsable administratif et financier
Propos recueillis et mis en récit par Patrice Bride
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