Dans de nombreuses casernes, des pompiers sont actuellement en grève, portant des revendications sur les moyens dont ils disposent, mais aussi sur les évolutions de leurs missions. Pour contribuer à comprendre leur mouvement, nous publions ci-dessous le récit de travail de l’un d’entre eux, collectés à l’automne 2018.
On me demande parfois ce que fait un pompier lorsqu’il n’est pas en intervention : nous ne restons pas les bras ballants à attendre que la sirène sonne ! Pour ma part, en tant que sous-officier, je suis responsable du planning des services des 22 pompiers professionnels de la caserne. J’utilise un logiciel qu’on appelle « la tournante », qui répartit les personnes en fonction de leurs qualifications d’une manière équitable sur des permanences de douze ou vingt-quatre heures. C’est indispensable que l’effectif prévu soit présent à la caserne, mais je sais aussi qu’il faut toujours ajuster en fonction des besoins personnels, par exemple pour un dimanche familial. Être sapeur-pompier impose un emploi du temps très contraignant, et on ne peut pas toujours laisser faire un logiciel pour gérer des humains. Je ne pensais pas qu’un jour j’aurais à manager du personnel, mais ça me plaît, même si c’est parfois délicat. Gérer des personnes n’est pas toujours facile, mais je trouve que finalement il n’y a pas plus riche. Je suis également moniteur de sport. Ça, ça m’a toujours attiré et je ne pensais pas que dans mon travail il y avait cette possibilité-là. Je prépare les séances et le planning de chaque journée. Et quand je suis là, c’est moi qui les anime. Il s’agit de se maintenir en forme, bien sûr, mais aussi de développer la cohésion dans le groupe : un élément précieux lorsque la sirène sonne, et qu’il faut partir sur le terrain…
Les interventions, ce sont des incendies, des accidents de personne, et bien sûr beaucoup d’accidents de la route. Une des plus difficiles à mon avis : la désincarcération d’un accidenté coincé dans son véhicule. En cas d’enjeu vital, ou pour éviter des séquelles graves, il faut que la victime soit à l’hôpital dans l’heure qui suit l’accident : c’est ce qu’on appelle la « golden hour ». Mais il faut d’abord l’extraire de la voiture ! Dès notre arrivée, j’envoie à l’intérieur du véhicule celui qu’on appelle « l’écureuil », le pompier le plus souple. Il restera avec la victime pendant tout le travail de désincarcération. Si elle est consciente, il parle avec elle pour la rassurer, lui explique ce qu’on est en train de faire. Il la couvre avec un rideau et lui met un casque pour la protéger. Si besoin, le SAMU pose une perfusion en cas de douleur. Je m’occupe ensuite de caler la voiture, de débrancher la batterie et de positionner une lance, en cas de départ de feu. Reste à dégager l’accès à la personne. Je coupe les deux montants de la vitre avant et je scie le parebrise, ou bien je découpe les charnières de la porte avec de grosses pinces. J’ai un masque car les poussières sont nocives. Je pose de gros chiffons aimantés pour protéger les parties métalliques devenues tranchantes. Je peux aussi utiliser un vérin entre le pied de la porte du passager et le tableau de bord pour dégager l’habitacle. Enfin, on peut sortir la victime…
Les incendies restent des interventions à part. Ce que j’aime, c’est aller au contact, chercher le feu au cœur, le combattre. En arrivant sur le site, je commence par une « reconnaissance cubique » en faisant le tour de la maison. Je suis le chef de manœuvre, et je dois réfléchir à la façon dont j’engage mon personnel. Je lis la fumée, son opacité, j’observe les endroits par où elle sort. Les logements modernes sont très bien isolés, et quand le feu s’y met, il y a énormément de gaz chauds qui s’y accumulent. Si on passe par la porte, l’oxygène s’engouffre : le risque est que tout s’embrase ou même explose. Donc si je vois que la fumée ne s’échappe que par une seule ouverture et que les flammes sont jaunes et noires, on doit passer par le haut : on détuile ou on casse la partie haute d’une fenêtre. Quand on entre, on peut tester la chaleur en donnant un coup de lance vers le plafond. Si l’eau retombe en vapeur, c’est que la température est très importante. On va alors refroidir progressivement par de brèves impulsions. Ce qui aide, aussi, c’est la caméra thermique qui permet de savoir s’il fait 50 ou 500 °C, et de repérer d’éventuelles silhouettes dans la fumée.
Mon travail a une dimension très technique, mais on n’oublie jamais la personne dans la voiture ou dans l’appartement en flammes, et aussi les collègues qui affrontent des situations éprouvantes. Mon secteur d’intervention est grand, et il y a peu de chances que ça concerne quelqu’un que je connais. Mais c’est arrivé à un collègue, alors j’y suis attentif en cas de mort violente ou dans les situations où un enfant perd la vie. Je fais systématiquement un débriefing technique avec mon équipe au retour à la caserne. Nous analysons l’intervention afin de nous assurer que nous avons bien travaillé, discuter de ce que nous pourrions améliorer. Mais c’est aussi une façon de voir comment va l’équipe. En général, parler de ce que nous venons de vivre aide à apaiser les tensions. Si besoin, un peu plus tard, je téléphone au collègue plus touché pour une raison ou pour une autre. C’est pour cette raison que c’est important de bien connaître son équipage. Tous les moments de vie en caserne servent aussi à ça.
Christophe Thuot, sapeur-pompier
Récit rédigé par Martine Silberstein, à partir d’un entretien.
Texte paru dans L’autre trésor public – paroles d’agents sur leur travail, éditions de l’Atelier, 2018
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JE SUIS SAPEUR POMPIER A SAINT QUENTIN DANS L’AISNE, JE VIENS VERS VOUS CAR J’AI VU SUR LE SITE DE LA JOC QUE VOUS SOUHAITER PUBLIER DES RECITS SUR LE PERSONNELS DES URGENCES ET DES POMPIERS EN LIEN AVEC L’ACTUALITE SOCIALE.
DANS L’AISNE LES SAPEUR POMPIERS SONT EN GREVES DEPUIS LE 26 JUIN DERNIER ET NOUS AVONS FAIT DEUX RASSEMBLEMENTS AVEC LES PERSONNELS DES URGENCES DE L’AISNE ET DE SAINT QUENTIN, JE PEUX VOUS METTRE EN RELATIONS AVEC LE PERSONNELS SAPEURS POMPIERS ET DES URGENCES
Bonjour Jean-Marc, et merci de votre proposition. N’hésitez pas à nous contacter directement à contact@direletravail.coop, ou encore au 0675911349.