Mercredi 18 mars
Au deuxième jour de confinement, bien que levée aux aurores, je prends mon temps. Comme d’habitude, je travaille dans mon bureau pour ne pas réveiller mon compagnon et, comme d’habitude, je travaille assise dans le lit. J’ai jeté mon dévolu sur cette chambre d’amis qui n’est que peu meublée. J’ai commandé un bureau et, en guise de placards, j’ai acheté des casiers en bois que j’ai posés sous la pente du toit. C’est une solution « gain de place » parfaite pour une chambre mansardée. J’y ai glissé quelques boites de rangement en tissu coloré. Ma vie professionnelle toute récente tient dans ces quelques boites.
Ce mercredi, j’appelle la vieille dame qui devait partir à Brest, mais qui, compte tenu de l’annonce du discours présidentiel du soir, n’est peut-être pas partie lundi matin. Banco ! Je l’informe que je ne peux pas effectuer le tirage de la version intermédiaire de son manuscrit, car les boutiques de reprographie sont fermées. Je lui explique que j’ai trouvé un site moins cher que les autres, mais que, frais de port compris, la facture sera tout de même de 12 € environ. Elle me répond que le manuscrit n’est pas urgent. « Attendre est parfois une bonne chose », ajoute-t-elle. J’acquiesce, l’attente crée le désir.
Nous échangeons un moment sur le confinement. Elle reconnait qu’il n’aurait pas été raisonnable de se rendre en Bretagne, mais ajoute qu’elle piaffe dans son appartement. Tout comme je l’ai fait pour mon père, sa fille lui a apporté des attestations vierges et elle en a déjà profité pour sortir hier. Elle compte bien prendre l’air encore aujourd’hui : « Je dirai que c’est bon pour ma santé ». Elle précise que de nouveaux souvenirs lui sont revenus, grâce notamment à sa conversation avec une dame qui a vécu en Algérie : des anecdotes sur sa famille, installée en Tunisie sous le protectorat français, ont été retrouvées.
Je profite aussi de cette longue matinée pour contacter Pôle emploi, à qui j’ai une question à poser. À peine ai-je composé le 3949 que je suis mise en relation avec une conseillère, très surprise de mon appel. Elle m’explique être en télétravail, que depuis ce matin « c’est l’enfer » : bug informatique. Même difficulté pour les appels. Avoir réussi à la joindre relève du miracle. Elle ajoute qu’elle ne pourra pas accéder à mon dossier. Toutefois, alors que j’expose ma situation, elle constate un retour à la normale. Vite, elle en profite. Pour me dire finalement que toute démarche de ma part en ce moment serait vaine. Il me faudra attendre que les portes de mon agence rouvrent…
J’ai appris la veille que des soins programmés fin avril seraient reportés en aout, je dois donc annuler mon hébergement et trouver un nouveau logement. Je me connecte sur plusieurs sites, mais je ne tombe pas sur la perle rare. Je m’attèle donc ensuite à ce récit. Mais avant, je prends connaissance des consignes de la coopérative Dire Le Travail. Je monte rapidement dans mon bureau prendre des photos. J’ignorais que cela nous serait proposé, mais il se trouve que, ce matin, j’ai photographié le lever de soleil depuis ma fenêtre.
En fin de journée, je demande à mes proches s’ils accepteraient de témoigner, eux aussi. Certains d’entre eux répondent présents. Je les interviewerai dans quelque temps…
Corinne Le Bars, écrivain public et biographe