Jeudi 7 mai
La nuit fut courte : maux de ventre et maux de tête m’ont sortie du lit vers 23h30 et je n’ai pu m’endormir qu’à 3h et demie… pour me réveiller deux heures plus tard. Afin de ne pas me focaliser sur mes douleurs, j’ai travaillé sur le texte de Soazic. Mon rôle a essentiellement consisté à le ramener de 32 000 à 22 000 signes pour qu’il « rentre dans le rang ». J’ai eu beaucoup moins de mal à le réduire que celui d’Aude, qui faisait 38 000 signes et qui ne souffrait pas vraiment de répétitions. Tailler davantage dans le vif aurait signifié perdre de la substance.
Quand Stéphane se réveille, je lui demande s’il a un thermomètre. Il se souvient que j’en avais acheté un il y a quelques mois, le retrouve facilement. J’ai 38. Peu de fièvre, certes, mais chez moi ça monte très peu. Même avec une faible température, j’ai des céphalées, une alternance de frissons et de bouffées de chaleur et des courbatures. Il part à la pharmacie. Pendant ce temps, je reçois trois coups de fil, dont celui d’Anne-Marie à propos de son récit et des dessins dont elle a proposé d’illustrer nos textes. Soazic m’appelle aussi pour échanger sur le sien. Elle est fière d’avoir réussi à écrire, c’était une première pour elle et elle pensait qu’elle n’y arriverait jamais. Je pense également à annuler une visioconférence prévue à 14h.
Je suis soulagée par le paracétamol le temps de la matinée, mais, vers midi et demi, je me sens moins bien. Je vais m’allonger après avoir eu bien du mal à manger un petit quelque chose et j’attends de voir si les symptômes s’aggravent. C’est sans doute stupide, mais je ne peux pas m’empêcher de penser au coronavirus. Ce serait un comble que je tombe malade maintenant, alors que j’ai plutôt bien respecté le confinement et que je dois revoir mes petits-fils lundi. Au bout de 60 jours, le sort serait trop cruel ! Je me rassure, j’ai bien quelques symptômes, mais je ne tousse pas. Enfin, il m’arrive d’avoir quelques quintes de toux sèche, mais c’est sans doute d’origine allergique puisque je traine ça depuis 3 ans, avec des hauts et des bas.
Après un après-midi de repos devant le film de France 2, j’attends avec impatience le discours d’Édouard Philippe et de quelques-uns de ses ministres. La carte de France met mon département en vert. Le déconfinement est confirmé. J’ai déjà de nombreux rendez-vous la semaine prochaine, tant du point de vue professionnel que personnel : lundi 11 sera dédié à mes petits-fils, exception faite d’une radio de routine programmée en mars et qui a été reportée habilement au premier jour de la liberté retrouvée ; mardi, une (dernière ?) visio est prévue avec mes Potes dépressives pour commenter le manuscrit qui devrait être prêt ce weekend et j’ai rendez-vous à 16h avec mon locataire pour parfaire l’état des lieux et l’inventaire, réalisé pour le moment par lui seul ; mercredi, j’ai rendez-vous avec mon amie esthéticienne à 14h et j’enchaine sur deux rendez-vous de travail, le premier avec Myriam, ma cliente qui m’envoyait des fichiers audio pendant le confinement, le second avec Pierrette, ma cliente de 91 ans avec laquelle je n’ai pas pu poursuivre le travail biographique, mis à part l’envoi du début du manuscrit qui lui a permis de repérer les erreurs et de retrouver des souvenirs ; jeudi matin, Stéphane et moi nous rendons sur un chantier en vue de nous faire une meilleure idée des travaux à venir et je passe le début d’après-midi chez ma coiffeuse ; vendredi matin, j’ai une nouvelle visio avec la coopérative DLT et Margot, ma binôme, avec laquelle nous avons croisé nos récits de rupture professionnelle et de remaniement identitaire ; enfin, j’avais prévu de me rendre chez Marie-Anne le samedi matin, mais cette dernière sera occupée et c’est bien normal. Nous avons fixé un autre rendez-vous le lundi 18, car elle sera en congé.
Comme souvent, c’est au moment où je pense à Marc et que je me prépare à lui écrire pour lui demander s’il rouvre son entreprise caennaise, qu’il m’écrit après quelques jours de silence. Sa femme a relu une partie du manuscrit, a retrouvé ici ou là de petits compléments ou de menues précisions qu’elle me demande d’insérer. Il ajoute dans son courriel qu’ils m’appelleront prochainement.
J’ai reçu également un courriel de Philippe un peu plus tôt. Bien que sa biographie soit finie, il me donne des nouvelles régulièrement. Sur mon conseil, il a déposé son récit à l’APA, l’Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique dont le siège se trouve dans l’Ain, là même où j’avais trouvé, en 2009, des manuscrits d’anciens appelés de la guerre d’Algérie sur lesquels je m’étais appuyée pour rédiger ma thèse.
Le manuscrit de Philippe est très bien accueilli. L’archiviste de l’APA lui apprend que son texte « sera prochainement transmis […] afin que soit rédigé un écho de lecture rendant compte de son contenu. » Il recevra cette recension « dans un délai d’environ six mois à un an pour approbation, avant publication » dans le Garde-mémoire de l’APA, un des deux organes que compte l’APA, l’autre étant le journal auquel j’ai été abonnée un temps et qui s’appelle joliment La Faute à Rousseau.
L’archiviste souligne toutes les garanties de préservation, de conservation et de sécurisation de son dépôt. Il ajoute qu’il « constitue un apport patrimonial précieux en permettant que soient conservées les voix des personnes ordinaires », une « source appréciée des chercheurs et un apport inestimable à la connaissance historique et sociologique ».
Corinne Le Bars, écrivain public et biographe
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