La dame fluette qui tient sa petite fille par la main se laisse interpeller. Oui, elle veut bien parler de son travail. Mais elle ne veut pas qu’on l’enregistre.

Elle est ramasseuse de tomates dans les serres d’un maraîcher de la région. En ce moment, elle est sans travail pour quatre mois parce qu’elle est en CDD. Son patron va la rappeler dès qu’il aura besoin d’elle. C’est comme ça depuis dix ans.

Il faut travailler de 7h à 14h30, avec une courte pause : choisir les tomates matures, soulever des cageots pleins, piétiner dans une chaleur qui peut monter jusqu’à trente-huit degrés.

Mais elle aime son travail parce qu’on sait ce qu’il y a à faire, et puis une bonne ambiance entre collègues. C’est un peu comme une famille.

Elle baisse timidement les yeux, sourit comme pour s’excuser. Non, elle ne pourrait pas se passer de ce travail-là, de ces camarades de la serre. Et puis, les périodes d’inactivité lui laissent du temps pour s’occuper de sa fille.

Son travail et sa fille, c’est toute sa vie.

Pierre Madiot, à partir d’un entretien avec une personne rencontrée sur le marché d’Hennebont (Morbihan)