Des échos des ateliers

L’habit fait le moine

Il y a la tenue obligatoire, sans laquelle on ne peut pas travailler, pour des raisons pratiques (la combinaison du scaphandrier, le masque du soudeur) ou symboliques (le policier qui règle la circulation au milieu du carrefour : s’il n’est pas en uniforme, on le prend pour un fou).

Il y a aussi la tenue recommandée, attendue. Le commercial qui rencontre un exploitant agricole le matin évitera le costume trois-pièces, comme il évitera le blouson de cuir pour son rendez-vous avec un cadre supérieur l’après-midi.

Il y a enfin la tenue ordinaire, parce qu’il n’y a pas d’enjeu de visibilité : par exemple lorsqu’on travaille chez soi. Mais reste-t-on pour autant en pyjama ?

Ça, ce sont les trois catégories que j’ai proposées comme différentes cases de la malle à souvenir à fouiller pour démarrer la troisième et dernière session des ateliers Dire Le Travail à la bibliothèque Marguerite Audoux (les épisodes précédents ici et ). Bien sûr, il en est remonté des trouvailles. Sur la scène de la comédie du travail, on pratique beaucoup le déguisement.

Nous avons regardé quelques photographies de la série « Tenues de travail » de Bruno Fert, discuté de l’effet produit par l’irruption du travail dans le domicile par le biais de la tenue, de l’uniforme.

C’est qu’on y fait attention, on y passe du temps, voire de l’argent. Adopter une tenue sobre aide à se glisser dans la peau de la collaboratrice dévouée, même si elle n’en pense pas moins. La tenue sert à se protéger, à ne pas trop se montrer, à faire semblant d’être attentive à ceux qui font semblant d’écouter. Comme si l’attention à la vêture était proportionnelle à la déconsidération du travail.

Il faut parfois éviter les bagues, qui gênent le travail, ou parfois pratiquer la manucure, parce que ce sont les mains que regarde le client. La tenue d’une femme de chambre dans un hôtel doit être commode, fonctionnelle, mais c’est aussi la tenue du fantasme dans cet endroit d’intimité et de passage.

La tenue, c’est comme le travail : on y met de soi, sans toujours maitriser ce qu’en font les autres.

Patrice Bride