Journal d’une bedworkeuse

Journal d’une bedworkeuse – épisode 12

Mardi 24 mars

Je me suis levée enfin à une heure normale aujourd’hui. Il faut dire que j’avais pris un somnifère hier soir. Le confinement n’est pas bon pour moi qui souffre su syndrome des jambes sans repos. Les crises sont aggravées par l’immobilité. Pas bon non plus pour l’aponévrose qui s’est réveillée parce que je marche en chaussons de danse dans la maison depuis qu’il n’est quasiment plus possible de sortir. Je suis obligée de mettre des chaussures fermées dans lesquelles mes semelles orthopédiques me soulagent et je me promène en martelant le carrelage de mes talons hauts. Mon compagnon m’a dit en souriant qu’il avait l’impression que j’étais sur le départ…

Je commence donc ma journée de meilleure humeur que la veille. Pour débuter, je traite un dossier que je dois renvoyer à Pôle emploi pour demander à bénéficier de l’aide aux créateurs et repreneurs d’entreprise. Tout va bien jusqu’au moment où je dois envoyer les documents par mail à ma conseillère : les fichiers sont trop volumineux ! Moi qui venais de tout scanner, je suis obligée de remettre ça en réduisant la qualité de la résolution. Heureusement que j’avais découvert la manœuvre il y a quelques jours au moment où mon compagnon cherchait à informer son comité d’entreprise de son changement de situation familiale.

L’après-midi, les nécessités de la vie domestique, et même de la vie tout court, se rappellent à moi : le réfrigérateur se vide dangereusement. Les courses, que je déteste faire habituellement, sont désormais un prétexte pour quitter la maison, améliorer ma santé et garder l’illusion d’une vie sociale. Je vais au supermarché à pied pour me dégourdir les jambes par la même occasion et je prends mon temps dans les rayons. Il est 13 h 10 quand je sors et le magasin est très calme : seules deux caisses sont ouvertes et il y a fort peu de consommateurs. Pas besoin cette fois-ci de faire la queue à l’extérieur et d’entrer au compte-goutte. Je stationne quelques instants devant la caisse : la consigne veut que nous ne déposions nos courses sur le tapis roulant que lorsque le client précédent est passé de l’autre côté et que nous ne dépassions la caissière que lorsqu’il est parti. J’entends la cliente devant moi remercier l’hôtesse d’être là et de lui permettre de se ravitailler.

Je renouvèle un rendez-vous en visioconférence par Skype avec la petite famille de ma fille. Mon courrier à mon petit-fils n’est pas arrivé, la Poste a réduit son activité : de 5 jours de livraison du courrier, elle est passée à 4 jours et, bientôt, le facteur ne passera plus que 3 jours.

Je travaille ensuite sur une de mes biographies… jusqu’à presque 3 h du matin. Je m’étais pourtant promis d’en garder « sous le coude ». Mais une fois partie, je n’ai pas pu m’arrêter.

Corinne Le Bars, écrivain public et biographe

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